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Le Président de la République d'Estonie au dîner solennel en l'honneur du Président de la République Française le 28 juillet 2001 à la Maison de la Fraternité des Têtes Noires à Tallinn
28.07.2001

Monsieur le Président de la République Française, Jacques Chirac,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Votre journée en Estonie, Monsieur le Président, est près de s'achever. Lorsque je vous ai invité, lors de ma visite en France, à venir en Estonie, vous avez souligné que vous ne vouliez pas venir dans notre pays simplement en passant.

Et, en effet, vous ne l'avez pas fait.

Il est évident qu'une journée, même pour un petit pays, c'est trop court. Cependant, je peux vous assurer, cher ami, que pour notre peuple aussi, les derniers cent vingt siècles ont été trop courts pour découvrir toutes les vertus de l'Estonie et surtout les obligations qui découlent de notre histoire et continuent à vivre dans notre manière de penser. Nous sommes sur notre petite péninsule probablement les plus anciens habitants de l'Europe. Cela ne veut pas dire que nous regardions l'Europe avec condescendance Mais cela ne veut pas dire non plus que nous frappions à la porte de l'Europe comme des sans-logis abandonnés dans le froid. Car l'Estonie, c'est l'Europe. L'Estonie n'a jamais quitté l'Europe, tandis que l'Europe a quitté l'Estonie lors de deuxième guerre mondiale. De même qu'elle a été contrainte de quitter Riga, Vilnius, Varsovie, Berlin, Prague, Budapest et la péninsule des Balkans. Oui, et j'ajouterais en pensant à ces temps difficiles : de même que l'Europe a été contrainte de quitter également l'une des plus belles capitales de l'Europe, voisine de l'Estonie, Saint-Pétersbourg. Ce fut un temps difficile pour notre pays qui continuait à exister uniquement dans le droit international, ce fut un temps difficile pour notre économie, ce fut un temps difficile pour notre peuple qui a perdu un dixième de ses citoyens, mais ce fut le plus difficile pour notre droit, nos valeurs communes. La France est le pays qui a une frontière spirituelle commune avec tous les peuples d'Europe. Ou peut-être devrais-je dire le contraire : la France est le pays qui n'a pas de frontières spirituelles. Je suis très tenté de rappeler d'abord à moi-même que nous avons vécu sous la couronne de Charlemagne ; que le Français Fulco a introduit le christianisme en Estonie et dans le Sud de la Finlande ; que les Estoniens ont exporté leurs céréales en France et ont importé de France ce qui manquait sur ces terres arides du Nord. Et avant tout ils ont rapporté de France des idées, ces immortelles valeurs communes qui constituent l'Europe. Permettez-moi de me référer aux paroles du recteur de l'Université de Tartu, Parrot, fils de médecin, né à Montbéliard, et dont vous trouverez le portrait lors de votre prochaine visite à Tartu. Parrot a dit : l'Estonien dit à haute voix qu'il attend Bonaparte comme son libérateur.

Ainsi, par des chemins détournés, est arrivée en Estonie l'idée de liberté, égalité et fraternité, pour laquelle a été bâtie pour aujourd'hui la maison des droits de l'homme et des valeurs communes de l'Europe.

Monsieur le Président, qu'on me permette maintenant de quitter le passé pour entrer dans l'avenir. Les dix dernières années ont donné aux Estoniens la possibilité de se prouver à eux-mêmes et à l'Europe de quoi une nation est capable lorsqu'elle est libre et indépendante. L'Estonie a bien réussi ses réformes économiques. La grande majorité des partis politiques estoniens ont fixé au Parlement comme premier objectif de politique étrangère l'adhésion à l'Union européenne et à l'Otan. Nous n'avons pas perdu de temps et je suis heureux que vous ayez pu vous en convaincre vous-même. J'espère que l'Union européenne ne perdra pas de temps non plus.

Nous avons tous eu la possibilité d'anéantir les conférences de Téhéran, de Yalta et de Potsdam qui nous ont légué une Europe tragiquement déchirée et une image déformée de ce qu'est l'Europe. C'est pourquoi j'ai dit et je le répète maintenant : le seul mode de vie de l'Europe, c'est l'élargissement.

Nous sommes heureux de ressentir l'approche responsable, ouverte à des perspectives nouvelles, de la France à ces problèmes naturellement complexes .

Nous sommes très heureux, Monsieur le Président, de votre attitude sans réserves concernant notre droit inaliénable d'opter en faveur de l'Otan.

Ces deux objectifs d'intégration - l'Union européenne et l'Otan- sont déterminants pour le développement de l'Estonie au 21ème siècle.

La solution de ces problèmes est aussi ce qu'il y a de mieux à faire pour aider la Russie à surmonter son inertie, contribuer à ce que ce fardeau qui doit s'engloutir dans l'histoire s'y engloutisse et laisse la place à une Russie jeune, active et tendant vers la démocratie.

Monsieur le Président, nous sommes heureux que vous ayez trouvé le temps de venir en Estonie. J'espère que cette courte visite vous incitera, votre délégation, et les entrepreneurs français à revenir. Je veux vous encourager, chers amis francais, par la phrase suivante : « L'indépendance de l'Etat d'Estonie n'est qu'une question de temps ».

Cette phrase a été écrite dès 1855 et l'auteur en est Léouzon Le Duc, frère du célèbre architecte.

Un Etat n'est jamais prêt. L'Estonie ne sera jamais prete. L'Europe ne sera jamais prete. Néanmoins, j'ose croire que vous aurez ressenti notre volonté et notre détermination. Que nous sommes sur le bon chemin. Nous sommes certains que la France nous soutiendra dans cette voie aussi dans l'avenir.

Je vous souhaite, Monsieur le Président, au nom du peuple et de l'Etat estonien, de ma part et de celle de mon épouse, du succès et des réussites dans votre travail pour le bien de la France et de l'Europe.

Je vous propose de lever votre verre à la santé du Président de la République Française et à l'avenir et la prospérité de la France !

 

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